Sous la IIIe République (1870-1940), rappelons que Jules Ferry, nommé ministre de l'Instruction publique de février 1879 à septembre 1880 puis président du Conseil de septembre 1880 à novembre 1881 promulgue, durant cette période, des lois scolaires qui instituent notamment une École normale supérieure féminine (août 1879), l’ouverture aux filles de l’enseignement secondaire (décembre 1880) et l'enseignement primaire élémentaire obligatoire, gratuit et laïque pour tous les garçons et toutes les filles de France âgés de 6 ans révolus à 13 ans (juin 1881).
EPS des filles, Lamballe, 1928 - Le Départ en Promenade - Service des archives du rectorat de Paris, 1453W54
C’est dans ce contexte que la France se dote, à partir de 1880, d’écoles primaires supérieures (EPS) et de cours complémentaires (CC) offrant aux filles et aux garçons des études prolongées au-delà du certificat d’études. Ces nouvelles institutions allaient permettre à des enfants issus de milieux modestes, ne pouvant se permettre de payer les frais d’un enseignement au collège, d’accéder à des emplois d’encadrement moyen.
Briand, Chapoulie et Peretz : les archives des sociologues de l’enseignement enfin collectées !
Ces écoles primaires supérieures ont fait l’objet d’une étude approfondie des sociologues et enseignants-chercheurs Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie dans leur ouvrage intitulé Les collèges du peuple, édité aux Presses universitaires de Rennes en 1992. Les archives de leurs activités d’enseignement et de recherche sur l’enseignement en France entre autre choses, auxquelles sont jointes les archives d’un troisième sociologue, Henri Péretz, ayant également travaillé sur la sociologie historique de l’enseignement, ont été confiées au service des archives du rectorat de Paris pour classement avant versement aux Archives nationales.
EPS des filles, Lamballe, 1928 - Le Cours préparatoire - Service des archives du rectorat de Paris, 1453W54
Le fonds de ces trois sociologues, Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie et Henri Péretz, d’un volume de 14 mètres linéaires, contient des archives inédites. Il est en effet assez exceptionnel de trouver un ensemble aussi fourni et réparti de manière équilibrée entre les activités relatives à l’enseignement et celles relatives à la recherche.
On y trouve des cours, travaux d’étudiants, sujets d’examens, enregistrements d’entretiens sur cassettes, etc. – mais également des archives concernant les différentes recherches de ces trois sociologues : dépouillement d’archives manuscrites, tirés à part d’articles, questionnaires, manuscrits d’ouvrages.
EPS des filles, Lamballe, 1928 - Le Réfectoire - Service des archives du rectorat de Paris, 1453W54
Lors de leurs recherches pour la publication de leur ouvrage Les collèges du Peuple, Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie ont effectué des dépouillements dans la majorité des services d’archives départementales de France mais ont aussi utilisé une méthode de la sociologie : l’entretien. Pour cela, ils sont allés à la rencontre d’anciens enseignants ou élèves d’EPS ou de CC. L’une des personnes interviewées leur a donné un livret de photographies d’un EPS de filles de Lamballe datant de 1928.
C’est de ce livret dont sont tirées les photographies du présent article. L’une des particularités de ce livret réside dans les quelques annotations anonymes et non datées situées aux côtés de certaines photos. Ces annotations lèvent un pan plus sombre sur les conditions de vie de cet EPS. En effet, alors que les photographies semblent peindre une institution parfaite avec de nombreux cours, un jardin, un réfectoire fleuri et fourni en vin, les annotations nous apprennent que le jardin n’est pratiquement jamais accessible, le réfectoire décoré pour l’occasion, ou encore que les enseignements des disciplines annexes comme la musique (piano, violon) ou la dactylographie sont, encore à l’époque, payantes.
EPS des filles, Lamballe, 1928 - Le Grand dortoir - Service des archives du rectorat de Paris, 1453W54
Bien que les conditions de vie de cet EPS puissent nous sembler aujourd’hui spartiates, il ne faut pas oublier que les EPS et CC ont été un ascenseur social pour des générations d’élèves, leur permettant ainsi d’accéder à des professions plus intéressantes que celles auxquelles elles auraient pu autrement prétendre et un meilleur niveau de vie.
Mise à jour : décembre 2021